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4 Festival Romanistica
 

C’est en me plaçant du point de vue sémantique que je voudrais montrer ce qui justifie cette distinction. Car de ce point de vue, on est obligé de s’interroger non seulement sur le sens des mots, en soi, mais aussi sur le sens qu’ils transmettent. Roland Barthes, toujours aussi pertinent, a rappelé que si le signe « signifie », on oublie qu’il  signifie à »[1].

En effet, le phénomène de signifiance résulte de ces deux orientations : une orientation centripète qui tend à stabiliser le sens sur lui-même, une orientation centrifuge qui tend à construire du sens en fonction de ses conditions d’emploi dans des actes de communication. On peut dire que le langage signifie en même temps qu’il transmet du sens, que c’est dans l’acte même de transmission qu’il signifie avec une intention de produire un certain effet sur l’autre du langage. Interrogeons-nous donc sur ce double sens qu’on dira de langue et de discours.

2. Le sens de langue n’est pas le sens de discours

Soit l’énoncé : « J’ai trente ans ». Une analyse sémantique, hors contexte, permettrait de montrer qu’il s’agit d’une assertion dans laquelle à un certain actant (Je) est attribuée (avoir) une certaine propriété (ans), laquelle est quantifiée (trente), le tout dans un acte d’énonciation qui dit que cette assertion doit être rapportée au sujet parlant lui-même (Je) dans une modalisation élocutive d’affirmation. Si, de plus, on consulte un dictionnaire, on apprendra que ce « ans » désigne une certaine segmentation du temps, et ue, combiné à une certaine quantification (de un à cent), il peut désigner un âge de la vie.

Si maintenant on considère cet énoncé en contexte communicationnel, émanant d’un certain locuteur, comme une réplique à une assertion antérieure. Par exemple, imaginons qu’un locuteur conversant avec un ami qui s’étonne de le voir se retirer de la compétition sportive, réplique : « J’ai trente ans » ; alors cet énoncé signifiera : ‘Je suis trop vieux’. Cela suppose évidemment que le locuteur en question soit un sportif et que l’interlocuteur le sache. Imaginons maintenant qu’il s’agit d’une personne qui vient d’être licenciée d’une entreprise, qu’elle en informe un de ses amis et que celui-ci tente une explication : « C’est peut-être parce que tu as passé l’âge ? » ; alors l’énoncé « J’ai trente ans » signifiera quelque chose comme : ‘Pourtant, je suis encore jeune’.

Dès lors, on peut se poser la question de savoir quelle grammaire et quel dictionnaire pourraient dire que cet énoncé signifie ‘vieux’ ou ‘jeune’ ? Une chose est ce que signifient les mots en langue, autre chose ce qu’ils signifient en contexte communicationnel, lequel détermine

  1. Roland Barthes par roland barthes, Seuil, coll. «Écrivains de toujours», Paris, 1975.